Guillaume Gressier

Cannebière

J’ai jamais fait de déposition, et honnêtement j’espère que c’est la première et la dernière. Ça se passe comment ? Vous me posez des questions et je répond, ou je raconte ce qu’il s'est passé, comment dire.. à ma façon ?

Ok, bon.

Ben c’était jeudi dernier, je pense que vous le savez. On revenait du pub avec ma copine. Le O’Malley. Il devait être 23h-23h30, par là.
On commençait à remonter la Cannebière et, juste au niveau de la bouche de métro, j’ai remarqué un type qui arrivait en face. Je l’ai remarqué parce quand il a reconnu les deux mecs assis sur le muret, vous voyez, le muret qui entoure l’entrée du métro, j’ai vu à sa tête qu’il les reconnaissait et qu’il y avait pas bon pour lui.
Clairement son visage disait “Merde ! Je vais me faire défoncer”.
Honnêtement j’ai pu lire ce qu’il pensait. Rien qu’à sa tête j’ai pu tout voir, l’enchaînement, tout.
Il a d’abord regardé sur les côtés, du genre pour s’esquiver. Mais il a de suite capté que c’était mort. Et c’était vrai d’ailleurs. Les deux types se tenaient à 3 mètres, ils n’étaient même pas occupés à parler et il n’y avait presque personne. C’était obligé qu’ils le remarque.
Du coup, cramé pour cramé, il a tenté de la jouer au bluff. Style “Tranquille ! Ya pas d’embrouille. On sait jamais, s’ils sont pas d’humeur ou quoi, sur un malentendu...” bref ! De toute manière il ne pouvait pas faire grand chose d’autre.
Et effectivement, genre dans la seconde, les mecs l’ont capté. Et là ça a été direct. Ils se sont pas posés de questions, pas échangé un regard, rien ! Les deux, dès qu’ils ont vu le type ils lui ont barré la route. Il se sont approché de lui. Tac ! Le bras autour des épaules. Viens par là.
Ils l’ont emmené dans la ruelle. Je dis la ruelle parce qu'il faisait nuit mais c’est la rue Beauvau, où il y a l'hôtel Mercure, Ryanair tout ça.
Et bon, ils ont même pas fait deux mètres dans la ruelle en fait. Dès qu’ils ont passé l’angle ils l’ont mis contre le mur et l’ont ballayé. Une fois qu’il était à terre ils ont commencé à le marraver : la tête, le dos, les côtes. Parfois ils lui mettaient des shoots, parfois ils frappaient avec le plat du pied ou le talon.

C’est là que je suis intervenu.
Je ne suis pas du genre à aimer me battre et puis bon, je ne suis pas non plus un golgott, ni un kamikaze. Mais voir un type se faire fracasser et partir sans rien faire ou rien dire, c’est chaud quand même !
Donc je me suis dit que ça allait se passer comme d’habitude.
C’est pas la première fois que ça m’arrive, et à chaque fois ça obéissait à peu près au même scénario et ça s’était toujours plutôt bien terminé.
Les gars ont un truc à régler entre eux. Je ne dis pas que c’est juste, intelligent, normal ou quoi que ce soit mais c’est comme ça, faut que ça parte. Donc intervenir avant les premiers coups ne servirait à rien à part à créer davantage d’embrouille.
Donc j'attends que le type ai prit suffisamment pour que tout le monde puisse considérer le message comme “correctement délivré”, et j’arrive en criant “c’est bon, il à son compte !” ou “la police arrive “quelque chose dans le style. Ça permet de rappeler aux types qu’ils sont en train de tabasser un mec au sol devant témoins, mine de rien ça les fait réfléchir, et surtout ça leur donne une excuse pour s’arrêter sans passer pour des faibles. Parce que pour eux c’est une démonstration de force. Pour moi s’en prendre à un mec à terre à deux contre un c’est la honte. Faut vraiment avoir la lâcheté dans le sang pour se comporter comme ça et la ramener mais, pour eux, ça prouve qu’ils ont des couilles !
Tout ça pour dire que le fait que j’arrive, d’habitude ça les arrange en fait. Ils peuvent partir rassurés, la tête haute sans avoir eu à réellement se salir les mains, ou plutôt les pieds, vu comme ils s’y prennent. Ils sont content ; le type aussi, dans la mesure ou il n’a pas pris “trop” cher, et moi je peux jouer les héros à peu de frais ou au moins m’endormir la conscience tranquille.
Voilà, c’était ça le plan au moment où je suis intervenu , sauf que ça c'est absolument pas passé comme prévu.

Je ne sais pas s’ils voulaient vraiment tuer le mec, ou s’il y en avait un qui avait un truc particulier à prouver ce soir là, mais quand je suis arrivé pour calmer le jeu, ça a dégénéré instantanément.
D’entrée, j’avais même pas fini ma phrase qu’un des type s’est tourné vers moi. Il a écarté les bras et m’as dit :“Qu’est ce que tu regardes toi, t’en veux aussi c’est ça ? Allez ! Dégage avant que j’ t’encule !”.
Je ne m’y attendais absolument pas. Ça parait fou maintenant, parce que c’est vrai qu’en y repensant il y avait quand même des chances pour que ça parte dans ce sens, mais sur le moment je ne l’avais même pas envisagé. Du coup je suis resté sidéré.
Je me voyais pas obéir. Pour mon ego, déjà, et puis il y avait ma copine. Si je m’écrasai devant se type je savais que je ne pourrai plus jamais la regarder en face, comme si j’étais devenu indigne, et ça pas moyen. Mais je ne me voyais pas non plus leur sauter dessus. Je restai comme un con à les regarder sans bouger et sans rien dire pendant que la tension montait.

Le deuxième type s’est tourné vers moi à son tour et ils se sont avancé dans ma direction.
J’ai tout de suite compris que j'allais me faire éclater la tête par deux tarés sous les yeux de ma femme, qui n’allait pas pouvoir faire grand chose à part regarder, et encore, s’il ne lui arrivait rien ensuite.
J’ai eu peur. Vraiment très peur.
Je voyais ces deux types arriver sur moi. Pas moyen de fuir. Je ne pensais qu’à me mettre à l’abri, me protéger. Et quand est venu le moment où le contacte physique allait s’engager j’avais compris que j’allais devoir me battre, peut être pour ma vie suivant à quel point ils étaient tarés.

Ils étaient sûrs d’eux. Âgés je dirai de vingt, vingt-cinq ans. A peu près de la même taille, autour de un mètre quatre-vingt cinq. Celui qui s’était adressé à moi était plus costaud que son collègue, plus impressionnant. Il portait un survet à capuche Puma noir et un pantalon de jogging, l’autre une doudoune argentée, un jean et une casquette. Le premier avait gardé les bras écartés, la tête penchée vers l’avant. Il approchait de moi dans une posture d’intimidation, son pote légèrement en retrait, quelques centimètres derrière, sur son flan gauche.

Je voyais encore les lèvres du type en survet remuer, et sa voix parvenait à mes oreilles mais je n’entendait plus les insultes. Je savais que j’allais le frapper, lui en premier. Des deux, c’était celui qui m’effrayait le plus, donc celui à abattre en priorité. De plus il était un peu en avance sur l’autre à la doudoune, donc pas immédiatement protégé par son collègue ; et ses bras écartés m’ouvraient une autoroute sur son visage.
Pendant qu’il arrivait à portée j’ai réfléchi à la manière dont j’allais m’y prendre. Je n’aurai pas d’autre occasion de le mettre hors de combat rapidement et c’était le seul moment où j’allais être à un contre un. Je devais absolument le mettre ko de suite, d’un seul coup ou presque.

J’ai fait un peu de boxe anglaise. Pas beaucoup mais suffisamment pour savoir que, sans élan, je n’ai aucune chance de mettre un adulte au sol d’un seul coup de poing.
J’ai envisagé le coup de pied mais, entre ma taille et ma souplesse, je me voyais mal réussir à atteindre son visage et y porter un coup sérieux sans me déchirer un muscle ou me casser la figure au préalable.
Du coup le seul truc suffisamment simple et efficace auquel j’ai pensé c’est le coup de tête. Je me suis dit qu’avec l’effet de surprise ça avait des chances de passer et que si j’y mettait tout ce j’avais je pouvais faire un carton plein.

Dès que je l’ai senti à porté je me suis projeté vers l’avant. Comme une fente quand je faisait de l’escrime sauf que, comme j’étais en garde de boxe, c’est ma jambe droite qui à lancé le corps.
Pendant le bond qui m’amenait vers lui j’ai envoyé mon buste et ma tête en arrière, en tendant mes bras pour attraper le col de son survet, et j’ai tiré dessus en ramenant mon corps vers l’avant.
J’ai senti mon front s’enfoncer dans son nez, son nez s’enfoncer dans son visage puis, légèrement plus tard, un choc dur et un craquement contre mon crâne lorsque j’ai heurté l’os de sa mâchoire, juste en dessous du nez.
Au début j’avais pensé enchaîner les coups de tête jusqu’à ce que son pote me tombe dessus, c’est aussi pour cette raison que je l’avais attrapé par le col du survet. Mais au moment de l’impacte j’ai tout de suite compris que c’était bon. Que je n’avais plus à m'inquiéter de lui, du moins dans l’immédiat. Je l’ai lâché pour me tourner vers son pote.

Il était en diagonale sur ma droite, à cinquante ou soixante centimètres à peu près et avait commencé à armer sa jambe gauche pour me mettre une semelle. Je ne sais pas si ça s’appelle vraiment comme ça mais vous voyez, quand on pousse avec le dessous de la chaussure - la semelle - sur le ventre ou le dos de quelqu’un pour l’envoyer voltiger. Pour que la poussée soit efficace il faut d’abord replier la jambe, quasiment complètement, avant de mettre le dessous de la chaussure au contacte. Il en était à ce mouvement de repli, la première étape on va dire, quand je me suis tourné vers lui.
Si je prenais le coup, j’étais sûr de m’envoler vers la gauche pour atterrir contre une bite en métal, une voiture ou n’importe quel autre obstacle, j’en sais rien, avant de me retrouver au sol à manger des coups de pieds.

Ce qui m’a sauvé c’est que le type soit gaucher. Je suppose qu’il est gaucher puisqu’il a pris appui sur la jambe droite pour frapper. Tel qu’il s'était positionné, sa jambe d’appui se retrouvait en plein dans l’axe de mon pied droit, à quelques centimètres à peine. Je n’ai plus vu que ça : sa jambe sur laquelle reposait tout le poids du corps, avec l’articulation du genou bien en évidence, bien fragile au milieu.
Ma chaussure s’est lancée d’elle même vers sa rotule. J’étais en retard sur son mouvement, je le savais, mais contrairement à lui je n’avais pas besoin de puissance ; pas besoin d’armer mon coup.
J’ai senti son pied se pauser contre mon flanc droit. Un début de poussée commençait à me déséquilibrer vers la gauche lorsque l’avant de mon pied a atteint son genou. J’ai appuyé en tendant la cheville, comme pour enfoncer la pédale d’accélérateur d’une voiture, et son articulation a claqué. La poussé s’est arrêtée net. Il s’est effondré en poussant un cri pendant que je récupérai mon équilibre en partant sur le côté.

Je me suis retrouvé au milieu des deux types au sol. Le premier était à quatre pattes. Se tenant le visage d’une main, un filet de sang s’écoulant entre ses doigts. Sa respiration faisait comme un sifflement, avec un bruit de bulles qui gargouillent dans sa main.
Le second se tordait de douleur. Il roulait sur le dos ou le côté, les deux mains pressées contre sa jambe, en gémissant qu’il allait me niquer, que j’étais un fils de pute mort. Aucun d’eux ne semblait en état de se relever.

Je m'attendais à me calmer, à ce que la panique s’en aille mais au contraire. En fait ça a été pire qu’avant. Je me suis dit que ces types allaient vouloir se venger. Qu’un jour ou l’autre j’allais tomber sur eux, eux et leurs quinze potes, et que ce jour là je serai peut être avec ma copine ou des amis.
Je n’ai vu qu’une seule solution : en finir de suite. Finir les deux types là, maintenant, tant que j’avais la possibilité de tout arrêter.

Je me suis approché de celui qui bougeait le plus, celui à qui j’avais cassé le genou, et j’ai essayé de lui écraser la tête contre le sol. J’ai levé la jambe et commencé à frapper, un peu comme je l’avais vu faire juste avant, quand c’était lui qui cognait un mec recroquevillé par terre. Je ne savais pas trop comment m’y prendre. Il gesticulait dans tous les sens, déviait mes coups avec ses bras. Je n’arrivai a rien, j’étais pressé d’en finir, je m’énervai.

Je ne sais pas combien de temps ça a duré, j’ai du mètre six ou sept coups, je ne suis même pas sur qu’un seul d’entre eux ai porté, quand ma copine m’a attrapé par l’épaule. Elle m’a tiré à l’écart du type et on est parti. On a marché vite pour rentrer chez nous, et ...voilà. Ça s’est fini comme ça. Jusqu’à ce que vous appeliez.

Le premier type ? Celui se faisait tabasser vous voulez dire ?
J’en sais rien. J’ai pas vraiment fait attention à lui, j’étais concentré sur les deux autres.

Oui, je pense qu’il était encore là quand je suis parti. J’ai pas regardé donc je ne peux pas le garantir mais je pense que s’il avait quitté la ruelle pendant que j’y étais, je m’en serai rendu compte. Pourquoi ?

Oui, si je le vois je suis à peu près sûr de le reconnaître. Je me souviens très bien de son visage quand il a reconnu les deux mecs à l’entrée du métro. Mais c’est pas plutôt les deux autres types que je devrai identifier ?

Mais attendez ! Comment ça “c’est la seule personne a pouvoir confirmer que ne suis pas à l’origine de l’altercation”? Et ma copine alors ?

Alors eux on les croit sur parole et moi,et elle, non ? On parle dans le vent.
Mais c’est quoi cette histoire de dingues ? Ok j’ai blessé deux personnes, mais j’ai rien demandé moi ! Je me suis juste fait agresser en voulant aider un type qui se faisait rouer de coups c’est tout ! Et là je me retrouve au poste, à devoir me défendre, obliger de retrouver le mec que j’ai aidé - alors que je ne le connaissait même pas - pour qu’il confirme qu’il était bien en train de se faire marraver la gueule quand je suis arrivé, c’est ça ? Autrement c’est moi l’agresseur ?
Je vais pas pouvoir le retrouver, moi, ce mec. Je ne connais pas son nom, je ne sais pas qui c’est, ni où il habite.
C’est de la folie ! Franchement, regardez moi, vous croyez que j’ai que ça a foutre !
Je marche tranquillement avec ma copine et d’un coup, hop, ça me prend. Je saute sur deux mecs qui passent - et qui font deux fois ma taille et mon poids tous les deux - et bim ! Je leur démonte la gueule ! Comme ça, pour le fun, histoire de pimenter un peu la soirée ! C’est vrai, je fait ça souvent, j’ai l’habitude ! Non mais faut arrêter !
Les mecs ils s’attaquent à un pauvre type à deux contre un. Ensuite ils s’en prennent à moi, et comme ils sont vexés que ça se soit pas passé comme ils le voulaient, ils se la jouent victimes.
Vous trouvez ça juste ? C’est moi qui me fait agresser et c’est eux qui portent plainte. C’est juste, ça ?

Ah bon ? Ils ont pas porté plainte ? Mais alors pourquoi vous m’avez fait venir ici ?

Morts ?!
Mais c’est pas possible !

Attendez ! Là ça va pas le faire. Je vous ai dit la vérité, j’ai rien avoir là dedans. Je suis pas un meurtrier ! Je me suis juste battu avec eux, je les ai pas tués. C’est sûr que je les ai pas tués. Quand je suis parti ils allaient bien, enfin, ils étaient pas en train de mourir du tout quoi ! Loin de là ! Interrogez ma copine, interrogez, les caméras, interrogez le premier mec ! Si je savais qui c’est je vous le dirai mais j’en sais rien ! Si vous le retrouvez il pourra vous confirmer que j’ai tué personne. Je voulais même pas être là.

Je comprend plus rien. Si vous savez que c’est pas moi, pourquoi vous m’avez fait croire que...

Pour vérifier que je n’avais pas d’infos sur lui ? Mais c’est quoi le lien ? C’est qu’un pauvre type qui s’est fait taper dess...Ah, putain !

Lui ?!

Todos los derechos pertenecen a su autor. Ha sido publicado en e-Stories.org a solicitud de Guillaume Gressier.
Publicado en e-Stories.org el 09.07.2012.

 
 

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